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L’Adieu au visage

Un roman en apnée pour retranscrire l’urgence de la pandémie. Ce qu’elle a fait aux vivants et aux morts, à notre humanité.

Mars 2020. La France se confine. Dans tous les hôpitaux du pays, il faut prendre des décisions et agir vite. En première ligne, un psychiatre partage son temps entre son équipe mobile qui maraude dans une ville fantôme à la recherche de marginaux à protéger, et les unités Covid où les malades meurent seuls, privés de tout rite. Entre obéissance à la loi et refus de l’horreur, que ce soit à l’hôpital ou dehors, chacun à son niveau cherche des solutions et improvise. L’Adieu au visage est l’écriture d’une résistance fragile et d’une lutte pour prendre soin de l’autre – qu’il soit vivant ou mort.

« Au commencement, on ne lave plus les corps, on ne les coiffe plus, on ne les habille plus – d'accompagner les morts il n'est plus question. »
David Deneufgermain

DAVID DENEUFGERMAIN est écrivain-médecin. Psychiatre, il a exercé en prison, en hôpital psychiatrique et soigne depuis onze ans les malades à la rue et dans son cabinet. L’Adieu au visage est son premier roman du réel.

INFOS TECHNIQUES

Premier roman du réel
978-2-38134-064-7
288 pages
21.10 euros
2025

MOT DE L’ÉDITEUR·ICE

UN PREMIER ROMAN DU RÉEL

Dans la vie d’une maison d’édition, il est des textes qui vous attrapent et font bouger les lignes. L’Adieu au visage fait partie de ceux-là et il devient, pour Marchialy, une première incursion dans la fiction. David Deneufgermain questionne l’écriture du réel : comment rendre compte d’une expérience de crise vécue de l’intérieur ? À quel point les souvenirs de cette période inouïe et mouvementée sont-ils fiables ? Comment raconter le sentiment d’angoisse et l’horreur vécue ? Cette écriture de temps de crise, ainsi que l’anonymisation de ses patients, brouillent la frontière entre fiction et réel.

Avant de se plonger dans L’Adieu au visage, nous n’avions jamais rien lu de tel sur la pandémie. Il y a la voix de l’urgence de David Deneufgermain, le prisme de sa profession de psychiatre et son attention aux liens et aux rituels. Cinq ans après le premier confinement, il nous est apparu qu’il était temps de publier un texte qui lève le tabou sur cette période, pense le trauma collectif de l’isolement, rende hommage aux soignants et honore les morts.

EXTRAIT

« Quatre jours que je me barricade au cabinet. Que je suis à la lettre le discours des autorités. À distance, martèlent-elles, privilégiez le soin à distance, tout ce qui peut être dématérialisé doit être dématérialisé, téléconsultez. C’est le mot d’ordre. Je m’exécute. Je téléconsulte. Je m’adapte. Depuis que le confinement a débuté, je ne fais que ça, m’adapter : les consignes bougent, s’affinent, fluctuent en fonction des retours du terrain. J’épluche mes mails. C’est compulsif. Toutes les heures je regarde ma messagerie. La direction générale de la santé et l’assurance maladie nous bombardent de chiffres, de protocoles, de nouvelles cotations pour faciliter l’accès au soin : la caisse paiera, tout, jusqu’aux tests et aux masques dès qu’elle en aura. Téléconsultez.

Quatre jours que les patients trouvent porte close. Qu’ils tombent sur mon cabinet fermé avec de la lumière à l’étage pour indiquer ma présence. « Docteur, je suis en bas, je vous ai vu passer à la fenêtre, vous me voyez ? » Je regarde au carreau. Je fais signe. Nous discutons téléphone à la main en nous regardant. « C’est étrange de nous parler dans ces conditions, moi sur le trottoir, vous là-haut, vous ne trouvez pas ? »

Au deuxième jour, j’invente l’auto-consultation. La consigne est la suivante : restez dans votre voiture et appelez-moi quand vous serez arrivé. J’attends que mon portable sonne. Je décroche.

« Bonjour docteur, je suis là, je me suis garé devant votre véhicule. — Ne bougez pas, je descends. » Je ferme le cabinet. Je grimpe dans ma voiture. Nez à nez chacun dans notre auto, le patient et moi nous parlons par téléphone et parebrise interposés. « C’est étrange, docteur, vous ne trouvez pas ? » Étrange est le mot en vogue pour qualifier notre vie dégradée, de la consultation comme les courses, en drive, psychiatre et patient au même niveau, en face-à-face, chacun dans sa bagnole à n’importe quelle heure de la journée, sauf à 14 heures. À cette heure-là, durant une trentaine de minutes, les rayons du soleil obliquent sur les parebrise, impossible de nous voir. »

 

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