Élixir

Une vallée, à la fin des temps

Traduit de l’anglais par Morgane Saysana
Kapka Kassabova poursuit une quête enchantée au creux d’une vallée reculée d’Europe.

Nombreuses sont les plantes médicinales qui poussent dans la vallée de cette montagne bulgare à l’écosystème préservé. Des plantes de toutes tailles, formes et couleurs qui sont ensuite vendues dans l’Europe entière. Encore faut-il qu’il reste des hommes et des femmes capables de les trouver, de les reconnaître, de les cueillir. Kapka Kassabova part à la rencontre des dernières personnes qui détiennent ce savoir oral ancestral et entretiennent une relation intime avec la montagne. Elles lui servent de guides dans sa quête de l’élixir au cours de laquelle elle croisera la route de voyants, de poètes et de guérisseurs. Elle rassemble leurs connaissances – recettes de remèdes, mythologie des plantes et de la montagne, rituels magiques – dans une ode lumineuse à la nature qui est aussi une injonction à repenser notre rapport à la terre.

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« Dans son dernier opus, Kapka Kassabova revient sur ses terres d’origine et nous embarque pour un merveilleux voyage dans la vallée de la Mesta. Dans cette vallée à l’écosystème encore préservé pousse une variété foisonnante de plantes médicinales que l’autrice nous propose de découvrir à travers une balade dans ces montagnes mais, surtout, en allant à la rencontre de celles et ceux qui détiennent encore la connaissance ancestrale de l’utilisation de ces plantes. Dans ce récit dense et passionnant, Kapka nous invite à ralentir, à prendre le temps de la contemplation en nous ramenant à un lien plus juste avec la Nature. Au fil d’une lecture parfois ardue, grandit l’envie d’explorer les lieux en sa compagnie ! Une belle parenthèse enchantée, merveilleusement traduite par Morgane Saysana ! »
Valérie, La Géothèque
« Kapka Kassabova ne vit plus en Bulgarie depuis longtemps mais elle y retourne régulierement. Lors des ces derniers passages, elle rencontre plusieurs personnes qui pratiquent encore la cueillette des plantes sauvage pour les soins ou pour l'export en Europe. Ces personnes détiennent un savoir et des connaissances qui vont bientôt disparaitre car peu de jeunes se forment auprès des anciens. Ce livre est un voyage dans les montagnes sauvages des Rhodpoes, à la frontière de la Turquie et de la Grèce. On rencontre des passionnés, des illuminés, des saintes, des obstinés, des guérisseurs et des guérisseuses qui ont su endurer les tempêtes politiques au péril de leur vie. Ce livre nous montre à quel point la mémoire doit se transmettre et les savoirs ancestraux peuvent encore beaucoup nous apprendre et nous soigner. »
Amélie, La Promesse de l'Aube
KAPKA KASSABOVA est née en 1973 à Sofia, en Bulgarie. Elle quitte son pays natal avec sa famille à la fin de la guerre froide pour la Nouvelle-Zélande. En 2005, elle choisit de s’installer en Écosse. Elle est autrice de plusieurs récits multiprimés publiés chez Marchialy.

PRESSE

« Un beau volume dans lequel le lecteur peut piocher comme dans un gros sac d'herbes surprenantes, souvent bienfaisantes, parfois amères. »
Le Monde
« L'autrice nous entraîne à nouveau dans ses montagnes. Sans nostalgie, son livre pose un regard réaliste sur l'évolution de ces villages où le tourisme en quête d'authenticité "ethnique" à chassé l'élevage et ses traditions. »
L'Humanité

INFOS TECHNIQUES

Littérature étrangère
Grand reportage
978-2-38134-041-8
576 pages
24 euros
2024

Dans l’antre de l’ensorceleur

Kapka Kassabova se rend dans la boutique de Rocky l’ensorceleur, un acheteur en gros de plantes sauvages dans la vallée, également détenteur d’un savoir empirique sur les plantes médicinales qui poussent dans cette région.

« Tu suis ou quoi ? me demanda Rocky en me fixant de très près avec des yeux ronds. Pour devenir herboriste, il faut rencontrer les plantes pour de vrai, en personne. C’est là que réside le pouvoir. Les lectures et l’étude des planches de botanique ne sont pas suffisantes. On n’en retire aucun pouvoir. Bon, sinon, il y a une autre espèce très prisée qui s’appelle l’Echinacea purpurea. Ça te dit quelque chose ? »

Autrefois, Nafié en cultivait, mais elle avait cessé. Je n’avais essayé l’échinacée que sous forme de gouttes vendues en flacons marron à la pharmacie. Et voilà que j’avais sous les yeux des fleurs d’échinacées entières séchées.

« Quand je vois une plante séchée présentée en un tas, dis-je à Rocky, elle m’a l’air morte. Et puis, on apprend son histoire, on la voit s’épanouir dans l’eau et c’est comme un miracle. »

Nafié marqua une pause et m’enveloppa d’un sourire maternel.

« Tu as le sens de la formule », observa-t-elle.

Elle était trop occupée pour s’encombrer de mots.

« Tu as tout compris. Le règne végétal regorge d’éléments mystérieux, renchérit Rocky, tout sourire. Et il est infini. Car la nature est infinie. Et comme je le disais… Tu m’écoutes ? Il y a les plantes de printemps. Les plantes précoces, comme notre amie la primevère. Et l’iris, la fleur des amants, ramassée au tout début du printemps ou à l’automne. Le printemps, c’est une période chargée.

 — La nature revient d’entre les morts », acquiesçai-je avec un hochement de tête avisé.

Il esquissa un sourire à demi édenté.

« La nature revient à elle après avoir fait la morte », rectifia-t-il.

L’automne aussi était une période chargée. Chardon-marie, cynorhodon, genévrier.

         « Les baies de genévrier sont très recherchées, commenta-t-il. Tu sais ce qui marche le mieux pour faire de beaux rêves ?

         — La lavande, répondis-je, étalant ma science.

         — La lavande, c’est excellent, approuva-t-il. Mais mieux encore : un petit sachet de baies de genévrier sous ton oreiller. Le genièvre est une plante miraculeuse. »

         N’en aurait-il pas un petit sachet à me vendre ?

         « Un petit sachet ? Non. Mais j’ai cinq cents kilos de genévrier dans mon entrepôt. Je déteste tomber en rade. »

         En Écosse, autrefois, on récoltait le genévrier en grandes quantités et quand arrivait le mois d’août, on l’exportait via les ports d’Aberdeen et d’Inverness jusqu’aux Pays-Bas, où il servait à la fabrication du gin. Il était plébiscité dans les foyers des Highlands et sur les îles, où on l’ajoutait à du whisky chaud pour soigner presque tout : l’épilepsie, les morsures de serpent, ou comme désinfectant général. La version première du fameux hot toddy ! Rocky voyait d’un bon œil l’usage que les Écossais faisaient de cette plante, mais peinait à comprendre pourquoi ils avaient cessé d’y avoir recours, pourquoi nous ne cueillions plus de genévrier alors qu’il poussait toujours chez nous.

« Le genévrier, c’est bien en cas de surdosage d’une plante stimulante, ajouta Rocky.

         — Le mursalski, par exemple ? risquai-je.

         — Ah, le mursalski, le thé des montagnes ou thé des bergers ! Le plus pur d’entre tous. Celui qui pousse le plus haut. Le plus noble. Autrefois exclusivement consommé par les élites, les prêtres et autres dignitaires du même acabit. Tu bois quelle quantité de mursalski, toi ? C’est trop. Il ne faut pas en consommer plus de deux semaines d’affilée, c’est trop fort. Idéal pour le cœur, et quasiment tout le reste. Mais il faut faire une pause et prendre de la lavande et du genévrier dans l’intervalle. »

         J’étais, je crois, accro au mursalski, qui vous rend invincible. Je crois que je le suis toujours. Qui n’a pas envie d’être invincible ?

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