TOKYO VICE

Un journaliste américain sur le terrain de la police japonaise

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Cyril Gay
Tokyo Vice
« Un récit inestimable, féroce et rigoureux. Jake Adelstein décrit la mafia japonaise comme personne. » Roberto Saviano

Quand Jake Adelstein intègre en 1993 le service « police-justice » du plus grand quotidien japonais, le Yomiuri Shinbun, il n’a que 24 ans et il est loin de maîtriser les codes de ce pays bien différent de son Missouri natal. À Tokyo, il couvre en étroite collaboration avec la police les affaires liées à la prostitution et au crime organisé. Pour cela, il n’hésite pas à s’enfoncer dans les quartiers rouges de la capitale, dans les entrailles du vice et de la décadence. Approché par les yakuzas, il devient leur interlocuteur favori tout en restant un informateur précieux pour la police. Une position dangereuse, inédite et ambivalente, aux frontières du crime, qui incite Jake Adelstein à entrer dans un jeu dont il ne maîtrise pas les règles.
À mi-chemin entre le polar mafieux et l’enquête journalistique, Tokyo Vice est aussi le roman initiatique d’un jeune journaliste américain à Tokyo qui nous livre, avec beaucoup d’humour, un témoignage nerveux sur l’envers de la société nippone.

Lire l’extrait

Tokyo Vice
« Tokyo Vice est digne des thrillers les plus sombres et pourtant tout y est vrai. Passionnant ! »
Librairie Payot Montparnasse

L’auteur

Jake Adelstein est né aux États-Unis en 1963. Il est le premier journaliste étranger à intégrer la rédaction du plus grand quotidien japonais, le Yomiuri Shinbun, en 1993. Il vit depuis trente ans à Tokyo.

PRESSE

« Tokyo Vice rejoint d'autres ouvrages majeurs de la littérature du réel, parmis lesquels Baltimore de David Simon. »
Le Monde des livres
« Un Gomorra à la japonaise qui lui a valu une admiration précoce, des haines tenaces et une protection policière.  »
Libération
« C’est absolument saisissant, ça fait froid dans le dos. Un portrait très noir de la corruption et de la mafia qui utilise le trafic d’êtres humains. »
France Inter

INFOS TECHNIQUES

Littérature étrangère
Polar
979-10-95582-00-7
480 pages
21.50 euros
2016

Extrait

Cet extrait est tiré du prologue de Tokyo Vice. En quelques lignes, Jake Adelstein parvient à décrire tout l’enjeu de son enquête : parviendra-t-il à sortir son article dénonçant les agissements d’un parrain yakuza malgré les menaces ?

« Vous supprimez cet article, ou c’est vous qu’on supprime. Et peut-être bien votre famille aussi. Mais on s’occupera de vous en premier, pour que vous appreniez quelque chose avant de mourir. »
L’homme de main élégamment vêtu parlait très lentement, de la manière dont les gens parlent aux idiots ou aux enfants, ou de la manière dont les Japonais parlent parfois aux étrangers complètement paumés.
Ça ressemblait à une offre à sens unique.
« Laissez tomber cet article et votre boulot, et on fera comme si rien de tout ça n’était arrivé. Écrivez votre article et il n’y aura pas un seul endroit dans le pays où l’on ne vous traquera pas. Compris ? »

Ce n’est jamais une bonne idée de se trouver du mauvais côté du Yamaguchi-gumi, la plus grande organisation criminelle du Japon. Avec ses 40 000 membres environ, ça fait un paquet de mecs à qui on les brise.
La mafia japonaise. Vous pouvez les appeler yakuzas, mais beaucoup d’entre eux préfèrent gokudo, littéralement « l’ultime voie ». Le Yamaguchi-gumi est tout en haut de l’échelle des gokudo. Et parmi les nombreuses ramifications qui font le Yamaguchi-gumi, le Goto-gumi, avec plus de 9 000 membres, est la plus infâme. Ils tailladent la tronche des réalisateurs, balancent les gens des balcons d’hôtels, roulent sur les maisons à coups de bulldozer. Ce genre de méthodes.
L’homme assis de l’autre côté de la table qui me faisait cette proposition appartenait au Goto-gumi.
Il ne l’avait pas formulée comme une menace. Il n’avait ni froncé ni plissé les yeux. À part le costume noir, il n’avait même pas l’air d’un yakuza. Il avait tous ses doigts. Il ne roulait pas les « r » comme les gorilles dans les films. Il avait plutôt l’air d’un serveur un peu bourru dans un restaurant chic. Il laissa la cendre de sa cigarette tomber sur le tapis, puis écrasa celle-ci dans le cendrier, sans emphase. Il en alluma une autre avec un Dunhill plaqué or. Il fumait des Hope. Un paquet blanc, le nom écrit en majuscules – les journalistes remarquent ce genre de détails – mais ce n’était pas des Hope standard. C’était la version trapue, plus petite de moitié. Avec beaucoup plus de nicotine. La version létale.

Le yakuza était venu avec un autre homme de main qui ne disait absolument rien. Le Mutique était maigre avec la peau mate, un visage chevalin et les cheveux longs en bataille teintés en orange – une allure de chahatsu . Il portait un costume noir identique.
J’étais venu avec des renforts, un flic de bas étage anciennement assigné à la brigade antigang de la préfecture de Saitama.
Chiaki Sekiguchi. Il était un tout petit peu plus grand que moi, avec l’air presque aussi sombre, plus costaud, les yeux bien plantés et une coupe de cheveux à la Elvis dans les années 1950. On l’a souvent pris pour un yakuza. S’il était parti dans l’autre direction, je suis sûr qu’il serait devenu un patron du crime respecté. C’était un super flic, un bon pote, mon mentor sous plusieurs aspects, et il avait tenu à venir avec moi. Je lui jetai un coup d’œil. Il haussa les sourcils et les épaules et me fit un signe de tête. Il n’allait pas me donner de conseils. Pas cette fois. J’étais livré à moi-même.
« Est-ce que ça vous dérange si je fume une cigarette en y réfléchissant ?
– Je vous en prie », dit le yakuza, avec plus de retenue que moi.
Je sortis de ma veste un paquet de Gudang Garam, des cigarettes indonésiennes aux clous de girofle. Elles étaient bourrées de nicotine et de goudron et sentaient l’encens, ce qui me rappelait l’époque où, étudiant, je vivais dans un temple zen. Peut-être que j’aurais dû devenir moine bouddhiste. C’était un peu tard à présent.
Je m’en calai une dans la bouche et, tandis que je fouillais mes poches à la recherche d’un briquet, l’homme de main dégaina d’un geste rapide et assuré son Dunhill qu’il tint près de mon visage jusqu’à ce qu’il fût sûr qu’elle était bien allumée. Il était très accommodant. Très professionnel.
Je regardais la fumée épaisse flotter en cercles concentriques depuis le bout de la cigarette ; le clou de girofle mélangé au tabac crépitait et grésillait quand j’inspirais. J’avais l’impression que le monde entier avait trouvé son calme et que c’était le seul son que je pouvais entendre. Le crépitement, le grésillement, le pétillement. Le clou de girofle a tendance à faire ça. J’espérais qu’une toute petite braise ne viendrait pas trouer mon costume ou le sien – mais une fois de plus, après mûre réflexion, je me dis que ça n’avait pas d’importance.

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