LA VIE D’UNE VACHE

Comment j’ai acheté une vache pour me lancer dans l’industrie de la viande (et devenir riche)

Traduit de l’anglais (Chili) par Guillaume Contré
Un Don Quichotte du journalisme part à la conquête de l’Argentine à dos de vache.

Quoi de tel pour comprendre un pays que d’en épouser les passions ? Lorsqu’il arrive en Argentine, Juan Pablo Meneses découvre le rituel de l’asado, la grillade, et de toute la culture carnivore qui l’entoure. Pour s’immerger au plus profond de ce pays, l’auteur-journaliste se lance dans l’industrie de la viande en achetant… une vache. La Negra. Avec cette jeune génisse, il convainc un producteur bovin de devenir son associé, il se rend dans les abattoirs et les chambres froides du pays, et arrive à être invité sur des plateaux de télé. Toute son enquête au pas lent et calme d’une vache, pour cerner l’âme d’un pays fou de viande, mais aussi pour interroger ses modes de production, de consommation et sur son avenir de plus en plus remis en cause.

Au bureau

« C'est avec le mot sans tergiversations, le verbe élevé, l'oeil socio-anthropologique rivé sur l'homme et la société qui le contient, et la vision scrutatrice sur le monde tel qu'il s'est bâti, que Juan Pablo Meneses écrit son enquête sur industrie de la viande.  »
Fabien Bernier, librairie Decitre, Grenoble

Juan Pablo Meneses est né au Chili en 1969. Écrivain et journaliste, il a publié dans les plus grands journaux et magazines sud-américains. Ardent défenseur du journalisme free-lance, il a aussi fondé l’école de journalisme en ligne Universidad Portatíl.

PRESSE

« Une proposition extrême, créative et très innovante dans le panorama du journalisme hispano-américain.  »
La Nación, Argentine
« Une expérimentation étrange, obsessionnelle, parodique, humoristique, sentimentale parfois, mystérieusement structurée et irréprochablement écrite. »
Las Últimas Noticias, Chili

INFOS TECHNIQUES

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
ENQUÊTE
978-2-38134-037-1
300 pages
21.10 euros
2022

Du journalisme saignant et disruptif

Écrivain chilien vivant alors en Espagne, Juan Pablo Meneses nous raconte son arrivée en Argentine et sa fascination pour ce pays qui donna, d’abord, naissance à La Vie d’une vache, puis à une trilogie aussi ambitieuse qu’originale.

Je me suis finalement installé en Argentine, un pays que la consommation de viande rend fou, où les vaches sont plus célèbres que Messi. Une société où les manifestations contre la faim s’achèvent par un barbecue géant. Une nation où le boucher du quartier est un ami de confiance, où une chaîne de télévision parle toute la journée de bétail, dans lequel des touristes étrangers débarquent dans le seul but de manger de la viande argentine. Une société pauvre et divisée qui possède un des indices de consommation de steak les plus élevés au monde, où tous les habitants sont convaincus que leur viande est la meilleure du monde. Lorsqu’un président baisse dans les sondages, il lui suffit de réduire le prix de la viande pour remonter aussitôt. Le week-end, le ciel entier se teinte de la fumée des grillades.

Je vivais à Barcelone lorsque je suis parti passer des vacances à Buenos Aires. J’avais prévu un bref séjour de deux ou trois semaines, avant de rentrer en Europe. Pourtant, sans m’en rendre compte, j’ai fini par m’installer en Argentine, le pays où tout tourne autour de la viande. Après plusieurs années de vie à Buenos Aires, je continuais à ne pas comprendre comment une nation pouvait être aussi carnivore. Si 15 % des gaz à effet de serre au niveau mondial sont produits par l’industrie bovine, ce chiffre triple en Argentine.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’élaborer un plan pour comprendre ce pays et mieux déchiffrer le fonctionnement d’une telle folie de consommation animale. Mon projet se divisait en deux mouvements :

  1. m’acheter une vache argentine à sa naissance et suivre sa vie pendant trois ans, jusqu’à son arrivée sur la grille du barbecue ;
  2. écrire un livre qui raconterait tout le processus.

L’animal que j’ai acheté s’appelait La Negra, c’était une génisse d’une semaine agile comme un chat. Le livre que j’ai finalement publié s’appelle La Vie d’une vache. Dans ce pays qui élève ses footballeurs et ses vaches au rang de dieux, où abondent les livres sur Maradona ou Messi, aucun livre n’avait encore été écrit pour raconter la vie d’une vache en particulier.

Acheter cet animal ne fut pas simple. L’élevage bovin est une industrie de la reproduction, être propriétaire d’un seul animal est catastrophique d’un point de vue commercial. Chercher la personne qui me la vendrait et l’endroit où l’élever fut un véritable défi. Néanmoins, étant donné ce que je me proposais avec ce livre, posséder mon propre animal fut un avantage. Aujourd’hui encore, de nombreuses industries dans le monde, comme celle des animaux destinés à la consommation, gardent pour elles une partie de l’information. Dès lors, être propriétaire de la protagoniste du livre fut un avantage pour mon enquête.

Cette méthode journalistique, consistant à acheter le protagoniste du récit, je l’ai intitulée « journalisme cash ». L’histoire de La Negra est le premier livre de ma trilogie « Cash ».

Avant que le livre ne soit publié, le récit de mon expérience narrative avec une vache est paru dans divers médias de communication en Amérique latine et en Espagne. Je n’ai pas tardé à recevoir des messages de lecteurs, lesquels, pour la plupart, me demandaient de ne pas tuer La Negra, de l’épargner, si je le pouvais. D’autres me suggéraient d’organiser un gigantesque barbecue pour tous les lecteurs, dans le champ même de la Pampa argentine où l’animal avait été élevé.

80 % de la déforestation en Amazonie est due à l’élevage bovin. La Vie d’une vache montre comment fonctionne la production de viande en Amérique du Sud et comment, au niveau global, nous persécutons les animaux pour nous alimenter. Durant mon parcours d’écrivain et d’éleveur d’une seule vache, j’ai visité abattoirs et chambres froides, j’ai parcouru les studios de télévision en compagnie d’un roi de la viande mafieux, je me suis entretenu avec le coiffeur des taureaux de concours que possède Mel Gibson aux États-Unis et j’ai connu en détail la structure d’un marché qui consiste à élever, tuer et manger des animaux.

Une fois le livre publié, il est vite devenu une lecture obligatoire dans les écoles de journalisme de divers pays. La prestigieuse écrivaine et journaliste argentine María Moreno l’a désigné comme un nouveau classique du journalisme narratif latino-américain. Maintenant qu’il s’apprête à être publié en France, les lecteurs de La Vie d’une vache vont découvrir un pays fou de viande et de football. Et l’histoire de La Negra, ainsi que celle de millions de vaches qui, comme elle, broutent au soleil tandis qu’une industrie de l’exploitation les attend au tournant.

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